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CHARLES BAUDELAIRE (1821 - 1876)
Baudelaire è uno dei più grandi poesti francesi dell'Ottocento. Si guadagnò ben presto la fama di poeta eccentrico e imorale, facendo uso di sostanze oppiacee e dissipando in esse il
patrimonio paterno.
Pubblicò la raccolta di poesie "I fiori del male", che fu accusata di oscenità, per cui dovette subire un processo, in seguito al quale dovette rinunciare a sei componimenti, che furono pubblicati soltanto nel 1949.
POESIE
Tristezze della luna
Il balcone
Les fleurs du mal XXVII
Profumo esotico
Corrispondenze
A colei che è troppo gaia
T'adoro al pari della volta notturna
Il Sole
Ti dono questi versi
Sed non satiata
L'invitation au voyage
Elevazione
La morte degli amanti
Chats
Tu metteresti l'universo intero
CHARLES BAUDELAIRE
Tristezze della luna
Più pigra sogna la luna stasera.
Come bellezza, su molli cuscini,
che accarezza distratta e leggera,
prima del sonno, le curve dei seni,
sul dorso serico delle valanghe,
morente, manda estenuati sospiri,
sperde il suo sguardo in visioni bianche
fluttuanti nell’azzurro come fiori.
Quando languida, oziosa, una furtiva
lacrima lascia che quaggiù arrivi,
un poeta, devoto, veglia e afferra
nella sua mano quella goccia pallida,
iridata come scheggia d’opale,
lungi dal sole in sé la sotterra.
TRISTESSE DE LA LUNE
Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse;
Ainsi qu'une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui d'une main distraite et légère caresse
Avant de s'endormir le contour de ses seins,
Sur le dos satiné des molles avalanches,
Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons,
Et promène ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l'azur comme des floraisons.
Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
Elle laisse filer une larme furtive,
Un poète pieux, ennemi du sommeil,
Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d'opale,
Et la met dans son coeur loin des yeux du soleil.
Il nemico
La mia giovinezza non fu che una oscura tempesta,
traversata qua e là da soli risplendenti;
tuono e pioggia l'hanno talmente devastata
che non rimane nel mio giardino altro che qualche fiore vermiglio.
Ecco, ho toccato ormai l'autunno delle idee,
è ora di ricorrere al badile e al rastrello
per rimettere a nuovo le terre inondate
in cui l'acqua ha aperto buchi larghi come tombe.
E chissà se i fiori nuovi che vado sognando troveranno,
in un terreno lavato come un greto,
il mistico alimento cui attingere forza...
O dolore, o dolore, il Tempo si mangia la vita
e l'oscuro Nemico che ci divora il cuore
cresce e si fortifica del sangue che perdiamo.
L'Ennemi
Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils ;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur?
Ô douleur! ô douleur! Le temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le cour
Du sang que nous perdons croît et se fortifie!
BAUDELAIRE - IL BALCONE
Madre delle memorie, amante delle amanti,
fonte d'ogni mia gioia e d'ogni mio dovere,
ricorderai le tenere nostre ebbrezze, davanti
al fuoco, e l'incantesimo di quelle lunghe sere,
madre delle memorie, amante delle amanti!
Le sere accanto al palpito luminoso dei ceppi,
le sere sul balcone, velate d'ombre rosee....
Buono il tuo cuore, e dolce m'era il tuo seno: oh, seppi
dirti, e sapesti dirmi, inobliabili cose,
le sere accanto al palpito luminoso dei ceppi.
Come son belli i soli nelle calde serate,
quanta luce nel cielo, che ali dentro il cuore!
Chino su te sentivo, o amata fra le amate,
alitar del tuo sangue il recondito odore.....
Come son belli i soli nelle calde serate!
Un muro era la notte, invisibile e pieno.
Io pur sapevo al buio le tue pupille scernere,
e bevevo il tuo fiato, dolcissimo veleno,
e i piedi t'assopivo, entro mani fraterne.
Un muro era la notte, invisibile e pieno.
Io so come evocare i minuti felici,
e rivivo il passato, rannicchiato ai tuoi piedi:
è infatti nel tuo mite cuore e nei sensi amici
tutta chiusa la languida bellezza che possiedi.
Io so come evocare i minuti felici...
Le Balcon
Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses,
Ô toi, tous mes plaisirs! ô toi, tous mes devoirs!
Tu te rappelleras la beauté des caresses,
La douceur du foyer et le charme des soirs,
Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses!
Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon,
Et les soirs au balcon, voilés de vapeurs roses.
Que ton sein m'était doux! que ton coeur m'était bon!
Nous avons dit souvent d'impérissables choses
Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon.
Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées!
Que l'espace est profond! que le coeur est puissant!
En me penchant vers toi, reine des adorées,
Je croyais respirer le parfum de ton sang.
Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées!
La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison,
Et mes yeux dans le noir devinaient tes prunelles,
Et je buvais ton souffle, ô douceur! ô poison!
Et tes pieds s'endormaient dans mes mains fraternelles.
La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison.
Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses,
Et revis mon passé blotti dans tes genoux.
Car à quoi bon chercher tes beautés langoureuses
Ailleurs qu'en ton cher corps et qu'en ton coeur si doux?
Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses!
Ces serments, ces parfums, ces baisers infinis,
Renaîtront-ils d'un gouffre interdit à nos sondes,
Comme montent au ciel les soleils rajeunis
Après s'être lavés au fond des mers profondes?
— Ô serments! ô parfums! ô baisers infinis!
CHARLES BAUDELAIRE - Con le sue vesti ondeggianti e iridescenti
Con le vesti ondeggianti e iridescenti, anche quando
cammina si direbbe che danzi, come quei lunghi serpenti
che i giocolieri sacri agitano ritmicamente in cima ai loro
bastoni.
Come la spenta sabbia e l'azzurro dei deserti, insensibili
entrambi a l'umano dolore, come le lunghe trame
dell'onda marina, ella si muove con tutta indifferenza.
I suoi occhi nitidi sono fatti di graziosi minerali, e nella
sua natura strana e simbolica (in cui l'angelo inviolato si
mischia all'antica sfinge,
in cui tutto è oro, acciaio, luce e diamanti) risplende per
sempre, come un astro inutile, la fredda maestà
della donna sterile.
(Da Spleen e Ideale, 27).
Avec ses vêtements ondoyants et nacrés
Avec ses vêtements ondoyants et nacrés,
Même quand elle marche on croirait qu'elle danse,
Comme ces longs serpents que les jongleurs sacrés
Au bout de leurs bâtons agitent en cadence.
Comme le sable morne et l'azur des déserts,
Insensibles tous deux à l'humaine souffrance
Comme les longs réseaux de la houle des mers
Elle se développe avec indifférence.
Ses yeux polis sont faits de minéraux charmants,
Et dans cette nature étrange et symbolique
Où l'ange inviolé se mêle au sphinx antique,
Où tout n'est qu'or, acier, lumière et diamants,
Resplendit à jamais, comme un astre inutile,
La froide majesté de la femme stérile.
La vita anteriore
A lungo ho vissuto sotto ampi portici
che i soli marini coloravano di mille fuochi
e che grandi pilastri, dritti e maestosi
rendevano simili a grotte di basalto.
I marosi rotolando le immagini dei cieli,
mischiavano in modo solenne e mistico
i possenti accordi della loro ricca musica
ai colori del tramonto riflessi dai miei occhi.
È là che ho vissuto in calma voluttà,
tra azzurro, onde, splendori
e schiavi nudi che, impregnati di essenze,
mi rinfrescavano la fronte agitando palme,
e il cui unico scopo era di rendere più profondo
il segreto doloroso in cui languivo.
La vie antérieure
J'ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux,
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.
Les houles, en roulant les images des cieux,
Mêlaient d'une façon solennelle et mystique
Les tout-puissants accords de leur riche musique
Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.
C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes,
Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs
des esclaves nus, out imprégnés d'odeurs,
Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,
Et dont l'unique soin était d'approfondir
Le secret douloureux qui me faisait languir.
CHARLES BAUDELAIRE - Profumo esotico
Quando, a occhi chiusi, una calda sera d'autunno,
respiro il profumo del tuo seno ardente, vedo scorrere rive felici
che abbagliano i fuochi di un sole monotono;
una pigra isola in cui la natura esprime alberi bizzarri e
frutti saporosi, uomini dal corpo snello e vigoroso e donne
che meravigliano per la franchezza degli occhi.
Guidato dal tuo profumo verso climi che incantano, vedo
un porto pieno d'alberi e di vele ancora affaticati
dall'onda marina,
mentre il profumo dei verdi tamarindi che circola nell'aria
e mi gonfia le narici, si mescola nella mia anima al canto
dei marinai.
Parfum exotique
Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone;
Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l'oeil par sa franchise étonne.
Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,
Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.
CHARLES BAUDELAIRE - *Corrispondenze
La Natura è un tempio ove pilastri viventi lasciano sfuggire
a tratti confuse parole; l'uomo vi attraversa foreste di simboli,
che l'osservano con sguardi familiari.
Come lunghi echi che da lungi si confondono in una tenebrosa
e profonda unità, vasta come la notte e il chiarore del giorno,
profumi, colori e suoni si rispondono.
Vi sono profumi freschi come carni di bimbo, dolci come
òboi, verdi come prati - altri, corrotti, ricchi e trionfanti,
che posseggono il respiro delle cose infinite: come l'ambra,
il muschio, il benzoino e l'incenso; e cantano i moti dell'anima e dei sensi.
(Da Spleen, 4)
Correspondances
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
II est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
— Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.
CHARLES BAUDELAIRE - *A colei che è troppo gaia
Bello il tuo capo, il gestire, l'aspetto,
Come un bel paesaggio; sul tuo volto
Il riso giuoca come fresco vento
In un limpido cielo. Il malinconico
Passante che tu sfiori è abbacinato
Dalla salute che, come luce,
Ti sprizza dalle braccia e dalle spalle.
I sonanti colori di cui spargi
Le tue tolette, ispirano ai poeti
L'immagine di un balletto di fiori.
Sono l'emblema, queste pazze vesti,
Del variopinto tuo spirito: folle
Di cui son folle, t'odio quanto t'amo!
Qualche volta, in un bel giardino, dove
Trascinavo la mia atonia, ho sentito
Il sole lacerarmi il petto, come
Un'ironia; la primavera e il verde
A tal punto umiliarono il mio cuore,
Che su di un fiore punii l'insolenza
Della natura. E così, una notte,
Appena suona l'ora del piacere,
Verso i tesori della tua persona
Vorrei strisciare, da vile, in silenzio,
Per castigarti la gioiosa carne,
Per schiacciare il tuo seno perdonato,
E infliggere al tuo fianco stupefatto
Una profonda, una larga ferita:
Vertiginosa dolcezza! Attraverso
Le nuove labbra, più splendenti e belle,
Infonderti, sorella, il mio veleno!
À Celle qui est trop gaie
Ta tête, ton geste, ton air
Sont beaux comme un beau paysage;
Le rire joue en ton visage
Comme un vent frais dans un ciel clair.
Le passant chagrin que tu frôles
Est ébloui par la santé
Qui jaillit comme une clarté
De tes bras et de tes épaules.
Les retentissantes couleurs
Dont tu parsèmes tes toilettes
Jettent dans l'esprit des poètes
L'image d'un ballet de fleurs.
Ces robes folles sont l'emblème
De ton esprit bariolé;
Folle dont je suis affolé,
Je te hais autant que je t'aime!
Quelquefois dans un beau jardin
Où je traînais mon atonie,
J'ai senti, comme une ironie,
Le soleil déchirer mon sein,
Et le printemps et la verdure
Ont tant humilié mon coeur,
Que j'ai puni sur une fleur
L'insolence de la Nature.
Ainsi je voudrais, une nuit,
Quand l'heure des voluptés sonne,
Vers les trésors de ta personne,
Comme un lâche, ramper sans bruit,
Pour châtier ta chair joyeuse,
Pour meurtrir ton sein pardonné,
Et faire à ton flanc étonné
Une blessure large et creuse,
Et, vertigineuse douceur!
À travers ces lèvres nouvelles,
Plus éclatantes et plus belles,
T'infuser mon venin, ma soeur!
CHARLES BAUDELAIRE
T'adoro al pari della volta notturna,
o vaso di tristezza, o grande taciturna!
E tanto più t'amo quanto più mi fuggi, o bella,
e sembri, ornamento delle mie notti,
ironicamente accumulare la distanza
che separa le mie braccia dalle azzurrità infinite.
Mi porto all'attacco, m'arrampico all'assalto
come fa una fila di vermi presso un cadavere e amo,
fiera implacabile e cruda, sino la freddezza
che ti fa più bella ai miei occhi.
Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne
Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne,
Ô vase de tristesse, ô grande taciturne,
Et t'aime d'autant plus, belle, que tu me fuis,
Et que tu me parais, ornement de mes nuits,
Plus ironiquement accumuler les lieues
Qui séparent mes bras des immensités bleues.
Je m'avance à l'attaque, et je grimpe aux assauts,
Comme après un cadavre un choeur de vermisseaux,
Et je chéris, ô bête implacable et cruelle!
Jusqu'à cette froideur par où tu m'es plus belle!
Il sole
Lungo il vecchio sobborgo,
ove le persiane pendono dalle catapecchie
rifugio di segrete lussurie,
quando il sole crudele batte
a raggi raddoppiati sulla città e i campi,
sui tetti e le messi, io mi esercito
tutto solo alla mia fantastica scherma,
annusando dovunque gli imprevisti della rima,
inciampando nelle parole come nel selciato, urtando
qualche volta in versi a lungo sognati.
Questo padre fecondo, nemico di clorosi,
sveglia nei campi i vermi e le rose,
fa svaporare gli affanni verso il cielo,
immagazzina miele nei cervelli e negli alveari.
E' lui a ringiovanire coloro che vanno con le grucce
e a renderli allegri, dolci come fanciulli,
lui a ordinare alle messi di crescere e maturare
entro il cuore immortale
che vuol sempre fiorire.
Quando, simile a un poeta, scende nelle città,
nobilita le cose più vili e s'introduce da re
senza rumore, senza paggi,
entro tutti gli ospedali e tutti i palazzi.
Le Soleil
Le long du vieux faubourg, où pendent aux masures
Les persiennes, abri des sécrètes luxures,
Quand le soleil cruel frappe à traits redoublés
Sur la ville et les champs, sur les toits et les blés,
Je vais m'exercer seul à ma fantasque escrime,
Flairant dans tous les coins les hasards de la rime,
Trébuchant sur les mots comme sur les pavés
Heurtant parfois des vers depuis longtemps rêvés.
Ce père nourricier, ennemi des chloroses,
Eveille dans les champs les vers comme les roses;
II fait s'évaporer les soucis vers le ciel,
Et remplit les cerveaux et les ruches le miel.
C'est lui qui rajeunit les porteurs de béquilles
Et les rend gais et doux comme des jeunes filles,
Et commande aux moissons de croître et de mûrir
Dans le coeur immortel qui toujours veut fleurir!
Quand, ainsi qu'un poète, il descend dans les villes,
II ennoblit le sort des choses les plus viles,
Et s'introduit en roi, sans bruit et sans valets,
Dans tous les hôpitaux et dans tous les palais.
CHARLES BAUDELAIRE
Ti dono questi versi, perché se un giorno
il mio nome approderà felicemente
alle epoche lontane e farà sognare
qualche sera i cervelli degli uomini,
vascello assecondato da un gran vento,
il ricordo di te, pari alle vaghe favole,
affatichi il lettore come un timpano,
e resti appeso come un fraterno
e mistico anello alle mie rime altere;
essere maledetto cui, dagli abissi profondi
sino al più alto dei cieli, nulla all'infuori
di me risponde! O tu, che come un'ombra
dall'effimera orma,
calpesti con piede leggero e sguardo
sereno gli stupidi mortali che t'hanno
giudicato amara, statua dagli occhi
metallici, grande angelo dalla bronzea fronte!
CHARLES BAUDELAIRE - *Sed non satiata
Divinità bizzarra, bruna come la notte,
dal commisto profumo del muschio e dell’avana.
Creatura di qualche obi, un Faust della savana,
maga dal fianco d’ebano, figlia dell’atre notti.
Amo più dell’assenzio dell’oppio, più della notte
l’elisir di tua bocca dove gioca l’amore;
se per te i miei desiri partono in carovana
gli occhi tuoi son cisterna che placa la mia noia.
Ma da questi occhi cupi, spiragli del tuo cuore,
o demone spietato! Versami meno ardore:
non posso avvolgerti nove volte come lo Stige,
Ma io non posso, o Megera libertina,
per fiaccare il tuo coraggio e ridurti fino allo stremo
diventare Proserpina dentro il tuo letto.
Bizarre déitè, brune comme les nuits,
Au parfum mélangè de musc et de havane,
Oeuvre de quelque obi, le Faust de la savane,
Sorcière au flanc d'ébène, enfant des noirs minuits,
Je préfère au constance, à l'opium, au nuits,
L'élixir de ta bouche où l'amour se pavane;
Quand vers toi mes désirs partent en caravane,
Tes yeux sont la citerne où boivent mes ennuis.
Par ces deux grands yeux noirs, soupiraux de ton âme,
Ô démon sans pitiè! verse-moi moins de flamme;
Je ne suis pas le Styx pour t'embrasser neuf fois,
Hélas! et je ne puis, Mégère libertine,
Pour briser ton courage et te mettre aux abois,
Dans l'enfer de ton lit devenir Proserpine!
Confession
Une fois, une seule, aimable et douce femme,
À mon bras votre bras poli
S'appuya (sur le fond ténébreux de mon âme
Ce souvenir n'est point pâli);
II était tard; ainsi qu'une médaille neuve
La pleine lune s'étalait,
Et la solennité de la nuit, comme un fleuve,
Sur Paris dormant ruisselait.
Et le long des maisons, sous les portes cochères,
Des chats passaient furtivement
L'oreille au guet, ou bien, comme des ombres chères,
Nous accompagnaient lentement.
Tout à coup, au milieu de l'intimité libre
Eclose à la pâle clarté
De vous, riche et sonore instrument où ne vibre
Que la radieuse gaieté,
De vous, claire et joyeuse ainsi qu'une fanfare
Dans le matin étincelant
Une note plaintive, une note bizarre
S'échappa, tout en chancelant
Comme une enfant chétive, horrible, sombre, immonde,
Dont sa famille rougirait,
Et qu'elle aurait longtemps, pour la cacher au monde,
Dans un caveau mise au secret.
Pauvre ange, elle chantait, votre note criarde:
«Que rien ici-bas n'est certain,
Et que toujours, avec quelque soin qu'il se farde,
Se trahit l'égoïsme humain;
Que c'est un dur métier que d'être belle femme,
Et que c'est le travail banal
De la danseuse folle et froide qui se pâme
Dans son sourire machinal;
Que bâtir sur les coeurs est une chose sotte;
Que tout craque, amour et beauté,
Jusqu'à ce que l'Oubli les jette dans sa hotte
Pour les rendre à l'Eternité!»
J'ai souvent évoqué cette lune enchantée,
Ce silence et cette langueur,
Et cette confidence horrible chuchotée
Au confessionnal du coeur.
CHARLES BAUDELAIRE - *Elevazione (Elevation)
1.a traduzione
Volando sopra stagni sopra monti e vallate,
sopra foreste e nubi e mari senza fine,
oltre il sole oltre l'etere, e l'estremo confine
ancora sorpassando delle sfere stellate,
tu vai, spirito mio, vai con agilità
e come un nuotatore che s'inebria dell'onda
lietamente attraversi l'immensità profonda
preso da un'indicibile e forte voluttà.
Vola, vola ben oltre i fetori malsani,
purìficati in alto, nell'aria fatta tersa,
bevi, come liquore che il cielo puro versa,
il chiaro fuoco che gli spazi empie lontani.
Scrollandosi la noia e le altre grandi pene
che opprimono la vita e la fanno nebbiosa,
felice chiunque può con ala vigorosa
slanciarsi verso terre luminose e serene,
chi sente i suoi pensieri come allodole in viaggio
nel cielo del mattino in libertà volare,
chi plana sulla vita e così può ascoltare
delle tacite cose e dei fiori il linguaggio.
2.a traduzione
Al di là degli stagni, delle valli e dei monti,
al di là dei boschi, delle nuvole e dei mari,
al di là del sole, al di là dell'aria,
al di là dei confini delle stellate sfere,
Tu, mio spirito, ti muovi con agilità
e, come buon nuotatore che gode tra le onde,
allegro solchi la profonda immensità
con indocile e maschia voluttà.
Fuggi lontano dai morbosi miasmi,
voli a purificarti nell'aria più alta,
e bevi, come un puro liquido divino,
il fuoco chiaro che colma spazi limpidi.
Le spalle alla noia e ai vasti affanni
che opprimono col loro peso la nebbiosa vita,
felice chi con ali vigorose
si eleva verso campi sereni e luminosi;
Chi lancia i pensieri come allodole
in libero volo verso il cielo del mattino,
- chi si libra sulla vita e comprende senza sforzo
il linguaggio dei fiori e delle cose mute!
Au-dessus des étanges, au-dessus des vallées,
des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
par delà le soleil, per delà les éthers,
per delà les confins des sphères étoilées,
Mon esprit, tu te meus avec agilitè,
et, comme un bon nageur qui se pame dans l'onde,
tu sillonnes gaiement l'immensitè profonde
avec une indicible et male voluptè.
Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides;
va te purifier dans l'air supérieur,
et bois, comme une pure et divine liqueur,
le feu clair qui remplit les espaces limpides.
Derrière les ennuis et les vastes chagrins
qui changent de leur poids l'existence brumeuse,
heureux celui qui peut d'une aile vigoreuse
s'élancer vers les champs lumineux et sereins;
Celui dont les pensers, comme des alouettes,
vers le cieux le matin prennent un libre essor,
- qui plane sur la vie, et comprend sans effort
le langage des fleurs et des choses muettes!
Elevazione
Al di là degli stagni, delle valli e dei monti,
al di là dei boschi, delle nuvole e dei mari,
al di là del sole, al di là dell'aria,
al di là dei confini delle stellate sfere,
Tu, mio spirito, ti muovi con agilità
e, come buon nuotatore che gode tra le onde,
allegro solchi la profonda immensità
con indocile e maschia voluttà.
Fuggi lontano dai morbosi miasmi,
voli a purificarti nell'aria più alta,
e bevi, come un puro liquido divino,
il fuoco chiaro che colma spazi limpidi.
Le spalle alla noia e ai vasti affanni
che opprimono col loro peso la nebbiosa vita,
felice chi con ali vigorose
si eleva verso campi sereni e luminosi;
Chi lancia i pensieri come allodole
in libero volo verso il cielo del mattino,
- chi si libra sulla vita e comprende senza sforzo
il linguaggio dei fiori e delle cose mute!
Elevation
Au-dessus des étanges, au-dessus des vallées,
des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
par delà le soleil, per delà les éthers,
per delà les confins des sphères étoilées,
Mon esprit, tu te meus avec agilitè,
et, comme un bon nageur qui se pame dans l'onde,
tu sillonnes gaiement l'immensitè profonde
avec une indicible et male voluptè.
Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides;
va te purifier dans l'air supérieur,
et bois, comme une pure et divine liqueur,
le feu clair qui remplit les espaces limpides.
Derrière les ennuis et les vastes chagrins
qui changent de leur poids l'existence brumeuse,
heureux celui qui peut d'une aile vigoreuse
s'élancer vers les champs lumineux et sereins;
Celui dont les pensers, comme des alouettes,
vers le cieux le matin prennent un libre essor,
- qui plane sur la vie, et comprend sans effort
le langage des fleurs et des choses muettes!
CHARLES BAUDELAIRE
*La morte degli amanti
Avremo letti pieni d'odori leggeri,
divani profondi come avelli
e strani fiori sulle mensole,
schiusi per noi sotto cieli più belli.
Consumando a gara i loro estremi ardori,
i nostri due cuori saranno due grandi torce
che rifletteranno i loro duplici splendori
nelle due nostre anime, questi specchi gemelli.
In una sera fatta di rosa e di mistico azzurro
ci scambieremo un unico lampo
come un lungo singhiozzo, tutto carico d'addii;
e più tardi un angelo, aprendo le porte,
verrà a rianimare, fedele e giocoso,
gli offuscati specchi e le fiamme morte.
Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,
des divans profonds comme des tombeaux,
et d'étranges fleurs sur des étagères,
écloses pour nous des cieux plus beaux.
Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,
nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux,
qui réfléchiront leurs doubles lumières
dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.
Une soir fait de rose et de bleu mystique,
nous échangerons un éclair unique,
comme un long sanglot, tout chargé d'adieux;
et plus tard un Ange, entr'ouvrant les portes,
viendra ranimer, fidèle et joyeux,
les miroirs ternis et les flammes mortes.
CHARLES BAUDELAIRE - L'albatros
Spesso, per divertirsi, gli uomini d'equipaggio
Catturano degli albatri, grandi uccelli dei mari,
Che seguono, indolenti compagni di vïaggio,
Il vascello che va sopra gli abissi amari.
E li hanno appena posti sul ponte della nave
Che, inetti e vergognosi, questi re dell'azzurro
Pietosamente calano le grandi ali bianche,
Come dei remi inerti, accanto ai loro fianchi.
Com'è goffo e maldestro, l'alato viaggiatore!
Lui, prima così bello, com'è comico e brutto!
Qualcuno, con la pipa, gli solletica il becco,
L'altro, arrancando, mima l'infermo che volava!
Il Poeta assomiglia al principe dei nembi
Che abita la tempesta e ride dell'arciere;
Ma esule sulla terra, al centro degli scherni,
Per le ali di gigante non riesce a camminare.
Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
qui suivent, indolents compagnons de voyage,
le navire glissant sur les gouffres amers.
A peine les ont-ils déposés sur les planches,
que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
comme des avirons traîner à côté d'eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid!
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!
Le Poëte est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer;
exilé sur le sol au milieu des huées,
ses ailes de géant l'empêchent de marcher.
CHARLES BAUDELAIRE
Tu metteresti l'universo intero nella tua alcova donna impura
O macchina cieca e sorda, feconda in atrocità!
Salutare strumento che ti sazi del sangue del mondo,
com'è che non hai vergogna, com'è che non vedi impallidire
le tue attrattive dinanzi a ogni specchio?
La grandezza del male in cui ti reputi sapiente
non t'ha mai fatto indietreggiare di spavento, quando la natura,
grande nei suoi fini segreti, si serve di te,
femmina, regina del peccato - di te, vile animale - per plasmare un genio?
O fangosa grandezza! suprema ignominia!
Tu metteresti l'universo intero nella tua alcova donna impura: la noia ti rende crudele.
Per tenere in esercizio i tuoi denti al tuo singolare gioco,
ti necessita, ogni giorno, un cuore sulla rastrelliera.
tuoi occhi, illuminati come botteghe o antenne fiammeggianti nelle feste pubbliche,
fanno uso, con insolenza, d'un potere preso a prestito
senza conoscere la legge della bellezza.
Tu mettrais l'univers entier dans ta ruelle
Tu mettrais l'univers entier dans ta ruelle,
Femme impure! L'ennui rend ton âme cruelle.
Pour exercer tes dents à ce jeu singulier,
Il te faut chaque jour un coeur au râtelier.
Tes yeux, illuminés ainsi que des boutiques
Et des ifs flamboyants dans les fêtes publiques,
Usent insolemment d'un pouvoir emprunté,
Sans connaître jamais la loi de leur beauté.
Machine aveugle et sourde, en cruautés féconde!
Salutaire instrument, buveur du sang du monde,
Comment n'as-tu pas honte et comment n'as-tu pas
Devant tous les miroirs vu pâlir tes appas?
La grandeur de ce mal où tu te crois savante
Ne t'a donc jamais fait reculer d'épouvante,
Quand la nature, grande en ses desseins cachés
De toi se sert, ô femme, ô reine des péchés,
— De toi, vil animal, — pour pétrir un génie?
Ô fangeuse grandeur! sublime ignominie!
Charles Baudelaire - La musica
1.a traduzione
Spesso la musica mi porta via come fa il mare.
Sotto una volta di bruma o in un vasto etere
metto vela verso
la mia pallida stella.
Petto in avanti e polmoni gonfi
come vela scalo la cresta
dei flutti accavallati
che la notte mi nasconde;
sento vibrare in me tutte le passioni
d'un vascello che dolora,
il vento gagliardo, la tempesta e i suoi moti convulsi
sull'immenso abisso
mi cullano. Altre volte, piatta bonaccia, grande specchio
della mia disperazione!
2.a traduzione
'La Musica'
Come un mare la musica m'invita!
Verso la stella mia chiara,
nelle brume o nella luce infinita,
le vele spiego nell'aria.
Gonfi i polmoni, e il petto in avanti,
teso al vento come tela,
scavalco dossi di flutti imponenti
che la notte non rivela.
Ogni passione in me vibrare sento
di un bastimento che geme.
Su quell'abisso immenso il dolce vento
e la tempesta che freme
mi cullano. Poi bonaccia, ove affonda
questa angoscia mia profonda.
La Musique
La musique souvent me prend comme une mer!
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile;
La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile
J'escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile;
Je sens vibrer en moi toutes les passions
D'un vaisseau qui souffre;
Le bon vent, la tempête et ses convulsions
Sur l'immense gouffre
Me bercent. D'autres fois, calme plat, grand miroir
De mon désespoir!
CHARLES BAUDELAIRE - A una passante
Ero per strada, in mezzo al suo clamore.
Esile e alta, in lutto, maestà di dolore,
una donna è passata. Con un gesto sovrano
l'orlo della sua veste sollevò con la mano.
Era agile e fiera, le sue gambe eran quelle
d'una scultura antica. Ossesso, istupidito,
bevevo nei suoi occhi vividi di tempesta
la dolcezza che incanta e il piacere che uccide.
Un lampo.. e poi il buio! - Bellezza fuggitiva
che con un solo sguardo m'hai chiamato da morte,
non ti vedrò più dunque che al di là della vita,
che altrove, là, lontano - e tardi, e forse mai?
Tu ignori dove vado, io dove sei sparita;
so che t'avrei amata, e so che tu lo sai!
La Bellezza
Je suis belle, ô mortels! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Eternel et muet ainsi que la matière.
Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris;
J'unis un coeur de neige à la blancheur des cygnes;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d'austères études;
Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles:
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles!
Armonia della sera (Harmonie du soir)
Ecco venire il tempo
che vibrando sullo stelo ogni fiore svapora come un incensiere
i suoni e i profumi volteggiano nell'aria della sera
valzer malinconico e languida vertigine.
Ogni fiore svapora come un incensiere
il violino freme come un cuore straziato
valzer malinconico, languida vertigine!
Il cielo è triste e bello come un grande altare.
Il violino freme come un cuore straziato,
un cuore tenero che odia il nulla vasto e nero!
Il cielo è triste e bello come un grande altare
il sole annega nel suo sangue che si raggruma.
Un cuore tenero che odia il nulla vasto e nero
raccoglie ogni vestigio del luminoso passato!
Il sole s'è annegato nel suo sangue che si raggruma,
il tuo ricordo in me riluce come un ostensorio.
Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir;
Valse mélancolique et langoureux vertige!
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige;
Valse mélancolique et langoureux vertige!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige,
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige!
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir!
CHARLES BAUDELAIRE - L'invitation au voyage
Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble!
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble!
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n'est qu'ordre et beautè,
Luxe, calme et voluptè.
Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.
Là, tout n'est qu'ordre et beautè,
Luxe, calme et voluptè.
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n'est qu'ordre et beautè,
Luxe, calme et voluptè.
CHARLES BAUDELAIRE - La sfortuna
Per sollevare un così grande peso,
Sisifo, ci vorrebbe tutto il tuo coraggio!
Benché si lavori di lena,
l'Arte è lunga, il Tempo breve.
Lontano dai sepolcri illustri il mio cuore,
come un tamburo abbrunato,
batte funebri marce verso un cimitero remoto.
Non pochi gioielli vi dormono,
sepolti nelle tenebre e nell'oblio,
lontano da zappe e da sonde.
E non pochi fiori vi effondono contro voglia
il loro profumo, dolce come un segreto,
in profonda solitudine.
Le Guignon
Pour soulever un poids si lourd,
Sisyphe, il faudrait ton courage!
Bien qu'on ait du coeur à l'ouvrage,
L'Art est long et le Temps est court.
Loin des sépultures célèbres,
Vers un cimetière isolé,
Mon coeur, comme un tambour voilé,
Va battant des marches funèbres.
— Maint joyau dort enseveli
Dans les ténèbres et l'oubli,
Bien loin des pioches et des sondes;
Mainte fleur épanche à regret
Son parfum doux comme un secret
Dans les solitudes profondes.
Le Chat
Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d'agate.
Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,
Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable bête
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,
Et, des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum
Nagent autour de son corps brun.
L'uomo e il mare
L'Homme et la mer
Homme libre, toujours tu chériras la mer!
La mer est ton miroir; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.
Tu te plais à plonger au sein de ton image;
Tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton coeur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.
Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets:
Homme, nul n'a sondé le fond de tes abîmes;
Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets!
Et cependant voilà des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié ni remords,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
Ô lutteurs éternels, ô frères implacables!
I ciechi
Contemplali, anima mia; essi sono davvero orribili!
Simili ai manichini; vagamente ridicoli;
Terribili, singolari come i sonnambuli;
Mentre dardeggiano non si sa dove i loro globi tenebrosi.
I loro occhi, in cui s'è spenta la scintilla divina
Come se guardassero lontano, restano levati
Al cielo; non li si vede mai verso i selciati,
Chinare, pensosamente, la loro testa appesantita.
Essi attraversano così il nero sonfinato,
Questo fratello del silenzio eterno. O città!
Mentre che attorno a noi tu canti, ridi e sbraiti,
Innamorata del piacere fino all'atrocità,
Guarda! anch'io mi trascino! ma, più inebetito d'essi,
Io dico: Cosa chiedono al Cielo, tutti questi ciechi?
Causerie
Vous êtes un beau ciel d'automne, clair et rose!
Mais la tristesse en moi monte comme la mer,
Et laisse, en refluant, sur ma lèvre morose
Le souvenir cuisant de son limon amer.
— Ta main se glisse en vain sur mon sein qui se pâme;
Ce qu'elle cherche, amie, est un lieu saccagé
Par la griffe et la dent féroce de la femme.
Ne cherchez plus mon coeur; les bêtes l'ont mangé.
Mon coeur est un palais flétri par la cohue;
On s'y soûle, on s'y tue, on s'y prend aux cheveux!
— Un parfum nage autour de votre gorge nue!...
Ô Beauté, dur fléau des âmes, tu le veux!
Avec tes yeux de feu, brillants comme des fêtes,
Calcine ces lambeaux qu'ont épargnés les bêtes
Réversibilité
Ange plein de gaieté, connaissez-vous l'angoisse,
La honte, les remords, les sanglots, les ennuis,
Et les vagues terreurs de ces affreuses nuits
Qui compriment le coeur comme un papier qu'on froisse?
Ange plein de gaieté, connaissez-vous l'angoisse?
Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine,
Les poings crispés dans l'ombre et les larmes de fiel,
Quand la Vengeance bat son infernal rappel,
Et de nos facultés se fait le capitaine?
Ange plein de bonté connaissez-vous la haine?
Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres,
Qui, le long des grands murs de l'hospice blafard,
Comme des exilés, s'en vont d'un pied traînard,
Cherchant le soleil rare et remuant les lèvres?
Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres?
Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides,
Et la peur de vieillir, et ce hideux tourment
De lire la secrète horreur du dévouement
Dans des yeux où longtemps burent nos yeux avide!
Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides?
Ange plein de bonheur, de joie et de lumières,
David mourant aurait demandé la santé
Aux émanations de ton corps enchanté;
Mais de toi je n'implore, ange, que tes prières,
Ange plein de bonheur, de joie et de lumières!
Il Vampiro
Le vampire
Toi qui, comme un coup de couteau,
Dans mon coeur plaintif es entrée;
Toi qui, forte comme un troupeau
De démons, vins, folle et parée,
De mon esprit humilié
Faire ton lit et ton domaine;
- Infâme à qui je suis lié
Comme un forçat à la chaîne,
Comme au jeu le joueur têtu,
Comme à la bouteille l'ivrogne,
Comme aux vermines la charogne,
- Maudite, maudite sois-tu!
J'ai prié le glaive rapide
De conquérir ma liberté
Et j'ai dit au poison perfide
De secourir ma lâcheté.
Hélas! le poison et le glaive
M'ont pris en dédain et m'ont dit:
«Tu n'es pas digne qu'on t'enlève
A ton esclavage maudit,
Imbécile! - de son empire
Si nos efforts te délivraient,
Tes baisers ressusciteraient
Le cadavre de ton vampire!»